Dans le cadre de la littérature jeunesse produite sous la dictature italienne, le cas d’Anna Bonacci (1892-1981) apparait éphémère et emblématique. Les œuvres pour l’enfance de l’écrivain sont de fait concentrées dans une période très brève, entre 1927 et 1936 ; période au-delà de laquelle Bonacci se dédiera au théâtre, abandonnant les destinataires enfantins (mais pas les thématiques développées pour ceux-ci). En même temps, l’expérience d’écriture pour ce public se réalise de manière particulière, en montrant, à partir des textes, des conditionnements culturels, de genre et les stratifications des discours sociaux qui activent des mécanismes d’adhésion et de distanciation par rapport à la réalité historique. Ces publications représentent, pour Bonacci, un moment de passage et de confrontation entre les attentes des destinataires et des éditeurs, et une poétique personnelle qui porte sur des analyses d’aspects intérieurs de l’identité humaine en dévaluant les formes du réel. D’ailleurs, ces récits pour la jeunesse arrivent après un autre passage, quasi rituel : la réécriture, en 1926, des contes de fées de Perrault selon une lecture (entre autres freudienne) manipulant le contenu des récits pour montrer leur forme onirique, pulsionnelle et finalement dangereuse, comme l’annonçait déjà le titre de l’œuvre : Le favole insidiose (Les contes insidieux). Mais, par rapport à la réécriture de Perrault, les récits destinés aux enfants et adolescents s’enrichissent d’un travail d’adéquation et de manipulation plus structuré : d’une part, en raison de la signature des contes avec le nom du colonel de l’aviation militaire Guglielmo Della Noce, figure masculine qui joue narrativement un rôle de contrôle sur le contenu superficiel des textes ; d’autre part, par le type de publications dans des revues éditées par le ministère de l’aviation militaire ou se référant à cette institution, qui obligent l’auteur à se mesurer à des thèmes et à des contenus déterminés et qui montrent une stratification d’intention entre requêtes des éditeurs, buts pédagogiques, valorisation de la modernité (du vol et des avions), désir de l’inconnu (de l’Autre, réel ou onirique) et réflexion identitaire. Dans l'article, nous nous concentrons sur une étude de la thématique du rêve comme élément d’usage pour construire une réalité différente dans les mondes du récit, et sur le rôle que la dimension du récit assume comme dépassement de la quotidienneté en faveur de la réécriture de l’identité des personnages. En remarquant les stratégies textuelles par lesquelles les sujets des contes affrontent des parcours qui les amènent à créer des narrations fantastiques (surtout identitaires), on se propose de montrer comment la quotidienneté du réel (souvent dysphorique) est dépassée grâce à la contribution de fantaisies fictionnelles (auxquelles les personnages s’identifient). En même temps, on met en lumière la manière dont les formes culturelles sont ambigument valorisées, à partir de contenus manifestes et rhétoriques, en demandant au lecteur une interprétation des récits par rapport au contexte historique (donc proposant un choix entre la valorisation de l’évasion dans la fantaisie et sa fermeture dans le réel).

Fantaisies du réel et fantaisies pour le réel : les contes d’Anna Bonacci entre fiction, rêve et quotidien

MARTELLI, MATTEO
2015

Abstract

Dans le cadre de la littérature jeunesse produite sous la dictature italienne, le cas d’Anna Bonacci (1892-1981) apparait éphémère et emblématique. Les œuvres pour l’enfance de l’écrivain sont de fait concentrées dans une période très brève, entre 1927 et 1936 ; période au-delà de laquelle Bonacci se dédiera au théâtre, abandonnant les destinataires enfantins (mais pas les thématiques développées pour ceux-ci). En même temps, l’expérience d’écriture pour ce public se réalise de manière particulière, en montrant, à partir des textes, des conditionnements culturels, de genre et les stratifications des discours sociaux qui activent des mécanismes d’adhésion et de distanciation par rapport à la réalité historique. Ces publications représentent, pour Bonacci, un moment de passage et de confrontation entre les attentes des destinataires et des éditeurs, et une poétique personnelle qui porte sur des analyses d’aspects intérieurs de l’identité humaine en dévaluant les formes du réel. D’ailleurs, ces récits pour la jeunesse arrivent après un autre passage, quasi rituel : la réécriture, en 1926, des contes de fées de Perrault selon une lecture (entre autres freudienne) manipulant le contenu des récits pour montrer leur forme onirique, pulsionnelle et finalement dangereuse, comme l’annonçait déjà le titre de l’œuvre : Le favole insidiose (Les contes insidieux). Mais, par rapport à la réécriture de Perrault, les récits destinés aux enfants et adolescents s’enrichissent d’un travail d’adéquation et de manipulation plus structuré : d’une part, en raison de la signature des contes avec le nom du colonel de l’aviation militaire Guglielmo Della Noce, figure masculine qui joue narrativement un rôle de contrôle sur le contenu superficiel des textes ; d’autre part, par le type de publications dans des revues éditées par le ministère de l’aviation militaire ou se référant à cette institution, qui obligent l’auteur à se mesurer à des thèmes et à des contenus déterminés et qui montrent une stratification d’intention entre requêtes des éditeurs, buts pédagogiques, valorisation de la modernité (du vol et des avions), désir de l’inconnu (de l’Autre, réel ou onirique) et réflexion identitaire. Dans l'article, nous nous concentrons sur une étude de la thématique du rêve comme élément d’usage pour construire une réalité différente dans les mondes du récit, et sur le rôle que la dimension du récit assume comme dépassement de la quotidienneté en faveur de la réécriture de l’identité des personnages. En remarquant les stratégies textuelles par lesquelles les sujets des contes affrontent des parcours qui les amènent à créer des narrations fantastiques (surtout identitaires), on se propose de montrer comment la quotidienneté du réel (souvent dysphorique) est dépassée grâce à la contribution de fantaisies fictionnelles (auxquelles les personnages s’identifient). En même temps, on met en lumière la manière dont les formes culturelles sont ambigument valorisées, à partir de contenus manifestes et rhétoriques, en demandant au lecteur une interprétation des récits par rapport au contexte historique (donc proposant un choix entre la valorisation de l’évasion dans la fantaisie et sa fermeture dans le réel).
2015
978-2-87558-406-9
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